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Des lasers refroidissent une particule furtive mi-matière, mi-antimatière

Pour les chasseurs de particules, la date du 12 octobre 2023 restera dans les mémoires. A quatre minutes d’écart, deux équipes indépendantes, au Japon et en Suisse, ont réalisé un exploit. Pas la détection d’une nouvelle particule, ni la découverte d’une faille dans les théories les plus fondamentales, mais le premier refroidissement par laser d’une drôle de bestiole, le positronium.
L’exploit peut laisser de marbre. Pourtant, la prouesse vaut de s’y arrêter et ouvre d’intéressantes perspectives tant en matière de science fondamentale qu’en matière de science appliquée. Le positronium, fabriqué pour la première fois en 1951, est constitué d’un électron et de son antiparticule, le positron, de même masse, mais chargé positivement. Cette sorte d’« atome » ne vit que 142 milliardièmes de seconde, car il s’annihile très vite en émettant un rayon gamma. Il est un objet idéal pour étudier les différences entre la matière et l’antimatière, cette substance quasi jumelle de la matière qui a disparu de notre Univers pour une raison inconnue et qu’il s’agit de comprendre. Etudier très précisément le comportement d’un positronium, mélange de matière et d’antimatière, est une manière de percer ce mystère.
A condition de « calmer » la bête qui, trop agitée, ne se laisse pas facilement « mesurer ». Et de le faire excessivement vite. D’où l’importance de la phase de refroidissement. A l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), en Suisse, la collaboration internationale baptisée Aegis a gelé un nuage de positroniums jusqu’à 170 kelvins, soit environ − 103 degrés Celsius, comme elle l’explique dans Physical Review Letters du 22 février. Au Japon, une équipe au KEK, l’équivalent du CERN, a obtenu des positroniums encore plus glacés, à seulement 1 kelvin (− 272 °C), mais pour une partie seulement des particules et pas pour tout un nuage. Elle n’a pas encore publié son résultat, seulement accessible en preprint − un article non révisé par les pairs.
Les deux utilisent donc des lasers pour ralentir, donc refroidir leurs cibles. Le principe est connu et fonctionne depuis les années 1990 pour geler des atomes jusqu’à quelques millionièmes de degré seulement au-dessus du zéro absolu, fixé à − 273,15 °C. Le laser envoie des grains de lumière face à la particule, qui ralentit peu à peu en absorbant ces photons. Tout l’art est d’ajuster la fréquence des lasers pour bien ralentir les cibles. Cependant, cette technique est moins efficace pour les positroniums, beaucoup plus légers que les atomes, 1 000 fois plus qu’un atome d’hydrogène. « La difficulté est ici aussi que tout doit marcher en même temps, fabrication des positroniums, refroidissement, contrôles, etc., et dans des temps très courts », explique Antoine Camper, chercheur à l’université d’Oslo, membre d’Aegis. Dans son expérience, les positroniums, créés par rebonds de positrons sur une cible en silicium, voient leur vitesse diviser par deux grâce aux lasers.
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